Amaya : « J’ai concrétisé mon projet grâce au crowdfunding »
La rubrique « Rencontrer des veilleurs aux expériences variées » nous permet d’écouter et d’entendre des expériences vécues de recherche d’information et de veille, et nous aide à imaginer d’autres mises en pratique.
Pour cet article, j’ai souhaité connaître l’usage d’Internet que pouvait avoir un entrepreneur, tant pour sa veille que pour la réalisation de ses projets professionnels. J’ai alors rencontré Amaya, qui crée des infusions bio au goût inimitable*, les vend sur le site web Happy-Plantes.com, et qui a su tirer parti du Web social pour concrétiser son projet.
Amaya, créatrice de tisanes bio sur la terre et dans le cloud
Recherche éveillée : Bonjour Amaya. Merci d’avoir accepté cet entretien. Pourriez-vous tout d’abord vous présenter et expliquer à nos lecteurs comment est née l’idée de Happy-Plantes.com ?
Amaya : J’ai 28 ans et à la base, je suis ingénieure agronome.
Je me suis passionnée pour les plantes médicinales et le thé pendant mes études, et j’ai fait un stage avec des producteurs de thé bio dans l’Himalaya pendant quatre mois. Deux ans après, je suis partie six mois à Cuba, pour travailler avec des petits producteurs sur les savoir-faire autour des plantes médicinales. En dernière année, je me suis spécialisée en gestion de projets et après mon diplôme, j’ai été embauchée comme gestionnaire de projets par des ONG et des associations.
Puis j’ai eu l’opportunité de m’installer avec mon mari à Volvic, dans le Puy de Dôme. L’idée d’Happy Plantes est alors née après une rencontre avec des cueilleurs de plantes sauvages bio, dont leur coopérative (la Sicarappam) est située à 20 km de Volvic.
En découvrant leur activité, j’ai pris conscience de la richesse qu’il y avait en matière de plantes médicinales et aromatiques en Auvergne. Ces plantes ne sont pas cultivées, et elles ont donc une qualité maximale en termes de saveur et d’efficacité. Cette première rencontre a été le déclic qui m’a donné envie de monter un projet autour des tisanes.
Recherche éveillée : Mais avoir une bonne idée ne suffit pas. Comment avez-vous matérialisé votre projet ?
Amaya : Il se trouve qu’en plus d’être riche en plantes sauvages, l’Auvergne est riche en aides et soutiens pour les jeunes qui veulent entreprendre.
La Communauté de communes de Volvic (Cécile Chaput en particulier) m’a orientée vers les personnes à voir, les dispositifs existant… et pendant un an et demi, j’ai monté ce projet, en l’affinant au fur et à mesure.
J’ai participé à des concours (comme Auverboost et Auvergne Nouveau Monde, destinés aux jeunes de moins de trente ans), j’ai bénéficié d’une aide au financement de projet (avec Auvergne Active), d’un accompagnement avec la BGE Auvergne, etc.
J’ai dû réaliser de nombreux dossiers, passer devant divers jurys et commissions… Mais toutes ces étapes, qui m’ont pris du temps, m’ont permis à chaque fois d’avoir le retour de professionnels sur mon projet, de le remettre en question, de le renforcer et d’ancrer un peu plus mon travail.
Bien sûr, j’ai effectué d’innombrables recherches sur Internet au cours de cette période, pour répondre à des questions comme « comment créer une entreprise ? », « quelle image donner à une marque ? » « comment choisir son logo », mais aussi « quelles sont les entreprises du domaine ? » « quel est le marché des tisanes », etc.
Amaya : « Ma campagne sur Ulule.com (plateforme de crowdfunding) a permis de faire connaître Happy Plantes avant même que la marque ne soit créée »
Recherche éveillée : Pour concrétiser votre projet et lancer votre site web, vous avez fait appel au financement participatif, via la plateforme de crowdfunding Ulule… Racontez-nous cette expérience.
Amaya : Le prêt et les aides que j’avais pu obtenir ne me permettaient ni d’ouvrir une boutique à Volvic, ni de réaliser un site de e-commerce.
J’ai donc fait appel au financement participatif (crowdfunding) en lançant une campagne de 45 jours sur Ulule.com, avec pour but de récolter 8 900 €.
Quand j’ai parlé de ce projet, beaucoup pensaient que la somme demandée était trop importante. Personne ne connaissait les tisanes Happy Plantes et pour cause, la société n’existait pas encore !
Pour Ulule, il m’a fallu réfléchir à la communication et créer l’histoire d’Happy Plantes, de façon à ce que cette histoire me corresponde. J’ai beaucoup travaillé avec une amie photographe et une amie spécialisée en web communication, et nous avons pris de nombreuses photos (lors des cueillettes, etc.) ; un autre ami a réalisé un très beau film. Tout cela m’a permis de présenter le projet de façon très élaborée, et de donner envie aux internautes de goûter les tisanes.
Puis, pour que la campagne soit un succès, j’ai mobilisé autour de mon projet un premier cercle de proches et d’amis, pour qu’ils diffusent eux aussi les informations sur cette campagne. J’ai bien sûr beaucoup communiqué sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et Instagram, sur lesquels j’étais présente depuis plusieurs mois.
Le résultat a été un vrai succès. J’ai atteint 40% de mon objectif au bout d’une semaine et, à la fin des 45 jours, je dépassais les 140 % !
Au delà du financement qu’elle m’a apportée, cette campagne a été pour moi une réelle action de communication. Elle m’a permis de trouver mes premiers distributeurs (plusieurs m’ont contacté directement) et m’a aidé à construire un réseau. Et puis elle a fait connaître la marque Happy Plantes, avant même que celle-ci n’existe juridiquement !
Amaya : « Pour un entrepreneur, la veille concurrentielle doit être quelque chose qui booste, et pas qui inonde »
Recherche éveillée : Vous accompagnez les producteurs lors des cueillettes, vous effectuez la coupe et le conditionnement des tisanes, vous vous chargez de la communication et de la gestion de votre entreprise… Vous reste-t-il du temps pour mener une veille sur le Web et les médias sociaux ?
Amaya : Une part importante de mon chiffre d’affaires étant liée à la vente sur Internet, la veille est pour moi incontournable. La veille concurrentielle me permet par exemple d’identifier les salons sur lesquels se rendent mes concurrents, de suivre les lancements de produits, les nouvelles recettes, les tendances, etc.
J’utilise bien sûr les réseaux sociaux pour la veille. Je suis présente notamment sur Facebook et Instagram, à la fois pour communiquer sur les activités d’Happy Plantes, mais aussi pour suivre les actualités d’un certain nombre d’entreprises.
Enfin, je me connecte régulièrement à la plateforme Ulule.com. Juste retour des choses, j’investis chaque mois quelques dizaines d’euros pour soutenir les projets qui m’intéressent. Ce site fait d’ailleurs partie intégrante de ma veille. Il me permet en effet de découvrir ce qui arrive sur le marché, de voir les projets qui suscitent l’intérêt des internautes… C’est une bonne source d’inspiration pour de nouvelles idées.
Cela étant, je manque de temps pour organiser ma veille concurrentielle comme je le souhaiterais. Je me contente d’aller voir régulièrement les sites de quelques entreprises que j’ai identifiées comme étant relativement proches d’Happy Plantes, par leurs activités et leur taille. J’essaye de ne pas me focaliser sur la veille.
En effet, quand la journée ne suffit pas à tout faire, la veille concurrentielle peut vite devenir anxiogène. Elle met en avant ce que font les autres entreprises, et ce qu’il reste à faire pour mieux se faire connaître !
Pour un entrepreneur, la veille concurrentielle doit être quelque chose qui booste, et pas qui inonde ! D’autant que l’on n’a pas tous les mêmes moyens. Parmi les entreprises qui vendent des tisanes, certaines appartiennent en fait à de grands groupes et disposent de moyens considérables… Ce qui m’intéresse, c’est de suivre l’actualité de structures comparables à Happy Plantes…
Quoiqu’il en soit, la veille concurrentielle reste indispensable, ne serait-ce que pour connaître le marché sur lequel on souhaite se positionner.
Amaya : « La veille m’a permis de me démarquer en me positionnant sur un secteur mal couvert : la création de tisanes sur mesure »
Recherche éveillée : Pouvez-vous nous en dire plus sur le positionnement que vous avez choisi pour Happy Plantes, et ce qui le caractérise ?
Avant de lancer mon projet, j’ai effectué de nombreuses recherches sur Internet pour identifier mes concurrents en France et analyser ce qu’ils faisaient, tant en matière de communication que pour l’élaboration de leurs tisanes.
J’ai beaucoup travaillé sur la création des recettes car je voulais me différencier de ce qui existe.
Je pense me démarquer en proposant des tisanes 100% bio et naturelles, récoltées par des cueilleurs que j’accompagne sur les cueillettes. J’ai beaucoup travaillé sur le goût de ces tisanes. Je voulais qu’en plus de leurs vertus intrinsèques (apaisantes, digestives, drainantes, etc.), elles soient réellement bonnes et goûteuses. Je peux donc compléter les mélanges avec des fruits, mais également avec trois plantes qui ne sont pas originaires d’Auvergne, que j’ai choisies pour leurs saveurs et leurs propriétés : l’anis étoilé, l’hibiscus et le gingembre.
J’ai décliné les tisanes en trois gammes, selon le nombre de plantes qui les composent :
- les « classiques » : avec une plante seule (aspérule odorante, camomille matricaire, gingembre, lavande, marjolaine, mélisse, ortie, réglisse, etc.)
- les « indispensables » : qui contiennent le plus souvent une ou deux plantes et des fruits, en fonction de leurs propriétés (l’anti-gonflette, la détox, la digestive, etc),
- et les « super-héros du quotidien » : je voulais créer des tisanes pour les « super-héros du quotidien » (entrepreneurs, super-mamans, geeks, sportifs…). J’ai donc organisé des ateliers avec des représentants de ces super-héros (cinq geeks, cinq sportifs, etc.) et nous avons élaboré ensemble les recettes en imaginant la tisane idéale. Happy Plantes propose ainsi « la tisane de l’entrepreneur », « la tisane du geek »*, etc.
C’est d’ailleurs la richesse des échanges lors de la création de ces recettes qui m’a donné envie de poursuivre l’expérience. Je me suis positionnée sur la création de tisanes sur mesure , que j’avais identifié comme un service mal couvert…
- j’anime ainsi régulièrement, à Paris et à Volvic, des ateliers de création de tisane qui remportent un beau succès, et sont de vrais moments d’échanges,
- ces ateliers peuvent aussi être organisés au sein d’une entreprise (dans le cadre d’un exercice de team building par exemple), ou pour un événement particulier (mariage…). La tisane est alors conçue avec un groupe de personnes, et des sachets sur mesure sont ensuite réalisés pour les clients de l’entreprise, les invités au mariage, etc.
- enfin, le site permet aux internautes de créer leur propre tisane à partir d’une base (apaisante, digestion ou tonique), en ajoutant deux doses de plantes, des fruits le cas échéant, et en choisissant le nom de sa tisane.
Recherche éveillée : La boutique à Volvic et le site HappyPlantes.com ont été lancés le 5 février 2016. Quel est votre bilan après six mois d’existence ?
Amaya : Les tisanes Happy Plantes se font peu à peu connaître et j’ai déjà un réseau d’une quinzaine de distributeurs, principalement en Auvergne. Je commence seulement à démarcher des distributeurs potentiels à Paris (épiceries fines, restaurants, centres de soin…).
Parallèlement, j’élargis aussi mes services. Certains chefs utilisent par exemple mes plantes telles quelles ; j’ai également un projet de collaboration avec des brasseries artisanales en Auvergne, qui envisagent d’aromatiser les bières avec un mélange de plantes sauvages.
En termes de communication, je me focalise pour le moment sur les réseaux Facebook et Instagram. J’ai créé un « univers » autour d’Happy Plantes qui marche plutôt bien. La marque a une image jeune et colorée, avec de belles plantes et de beaux produits. Ces deux réseaux correspondent bien à cet univers, et je préfère m’y investir, plutôt que me disperser sur d’autres comme Twitter.
Mais depuis un mois, ma veille concurrentielle s’élargit notablement. Je prépare en effet le développement de l’entreprise pour les deux prochaines années et, si les plantes sauvages vont rester à l’honneur, Happy Plantes devrait élargir la gamme de ses produits…
Amaya : « La veille doit être utilisée comme un levier de motivation, pour faire émerger de nouvelles idées… »
Recherche éveillée : si vous deviez donner des conseils à un entrepreneur en matière de veille, quels seraient-il ?
Amaya : Je pense que la veille doit être utilisée comme un levier de motivation, pour faire émerger de nouvelles idées, etc. Je me suis passionnée pour l’ennéagramme.
On peut considérer l’univers marchand autour de sa marque comme un grand terrain de jeu, où chacun bouge ses pions comme il le veut, et surtout comme il le peut !
Il faut consacrer un temps régulier à la veille pour voir ce que font les concurrents, et se nourrir de toutes ces bonnes idées … mais uniquement lorsque l’on a l’esprit suffisamment libéré pour cela. Sans quoi la veille peut devenir source d’angoisse…
Peut-être est-il préférable de dédier un temps à la veille dans la semaine, pour faire le point (avec beaucoup de recul bien sûr !) sur les dernières avancées et publications des entreprises que l’on suit, plutôt que d’être tout le temps à l’affut de ce que font tous les autres …
Recherche éveillée : Merci Amaya pour ce partage…
*Précision : pour avoir testé la « tisane du geek » , je me dois de signaler aux lecteurs que l’on en devient vite « accro » 😉 [NDLR]
Bravo pour avoir su allier sa pratique professionnelle à sa passion pour les plantes : la manière de les consommer et comment valoriser une activité bénéfique pour le corps et l’esprit. La tisane non ce n’est pas que pour les mamies ! Merci de donner à la tisane une couleur plus jeune et dynamique et surtout quelle bonne idée d’en proposer une sur mesure et par thématique !
Longue vie à la tisane personnalisée !
graine de M.