Les pratiques de veille de trois départements de la RATP – Atelier du secteur Veille de l’ADBS
Lors des manifestations que nous organisons pour le secteur Veille de l’ADBS, nous privilégions, autant que faire se peut, les retours d’expériences de professionnels de l’infodoc. Pour notre treizième atelier, qui s’est déroulé au CNAM en novembre dernier, cinq professionnels – exerçant dans différents départements de la RATP – ont accepté de venir présenter la mise en place de la veille dans leurs services respectifs.
Au sein de la RATP, la veille est en effet la mission de différents services :
- plusieurs cellules de documentation métier ou de veille sont liées à l’activité d’un département (Marketing, Commercial..)
- une cellule de veille est rattachée à la Direction générale ; sa vocation est de réaliser la veille pour le développement de la RATP
- trois centres de documentation principaux enfin sont rattachés aux départements Juridique, Ingénierie et Valorisation immobilière, achats et logistique ; c’est à ces centres qu’appartenaient les intervenants, qui nous ont présenté successivement :
- la veille réglementaire, normative et technique (Éric Gaillard, département de l’ingénierie),
- les quatre maillons de la veille juridique (Jean-Christophe Hardel, département juridique),
- des veilles transversales à l’entreprise (Lucie Merckens, Bénédicte Emma et Paul Barraqué-Curié, département de la Valorisation immobilière, des achats et de la logistique).
La veille réglementaire, normative et technique
Eric Gaillard, Département de l’ingénierie, RATP
Le département de l’ingénierie de la RATP a pour mission de concevoir et de réaliser des ouvrages, des équipements et des systèmes, dans le cadre de projets de construction, de rénovation et de modernisation des réseaux Métro, RER, Bus et Tramway.
Pour répondre aux besoins de ses clients, le service documentation de ce département – composé de deux personnes – assure une veille réglementaire, normative et technique, et recherche des informations et des documents sur des domaines tels que bâtiment et génie civil, électromécanique, fluides, électricité, infrastructures de transport, systèmes ferroviaires, information voyageurs, énergie, environnement, sécurité, etc.
Les premières alertes ont été créées à l’initiative des documentalistes il y a une dizaine d’années. Ces alertes ont généré des besoins et d’autres alertes ont été mises en place pour des experts ou « correspondants métier », des responsables d’entité, des architectes, des ingénieurs, le comité de direction etc. A chaque fois, le service documentation définit les besoins avec le client : sujets de la veille, nature de l’information recherchée (réglementation, norme, technique), fréquence de diffusion, destinataires, etc.
Deux types de veille sont réalisés par le service documentation.
La veille réglementaire et normative
La veille réglementaire et normative est effectuée principalement à partir des outils :
- SocotecAvantage : des alertes quotidiennes par mail sont mises en place depuis SocotecAvantage, le service de veille réglementaire proposé par la Socotec. Différents profils sont définis grâce à la sélection des domaines, des thèmes et des sous-thèmes proposés. Le service documentation fait office de "second filtre", car il va filtrer les sujets, tout en balayant de façon large les diverses préoccupations des destinataires.
- Le service de l'Afnor SagaWeb est utilisé pour l'identification des normes. Tous les mois, les normes et les projets de normes parus sont balayés selon les thématiques, de façon manuelle. Les références des documents susceptibles d'intéresser les destinataires sont alors sélectionnées manuellement, et reprises dans le livrable.
- Perinorm est une base de données bibliographiques proposée par l'Afnor, qui contient plus d'un million de documents provenant de 170 instituts normatifs et réglementaires, et qui couvre 24 pays. Le service documentation a mis en place des alertes par mail en fonction des recherches sauvegardées, et des alertes sur profil, ce qui permet notamment de suivre l'évolution de certaines normes (modifications, annulations...).
Quatre types de livrables sont proposés :
- des alertes ponctuelles ciblées au quotidien, par mail : le nombre de destinataires de ces alertes peut varier entre 1 et 120, selon les sujets
- des alertes normatives mensuelles par mail : de 1 à 75 destinataires selon les thématiques
- l'actualités réglementaire sur intranet, mise à jour une fois par mois, sous la forme de fichiers PDF reprenant les références des textes officiels parus ; ces références sont classées par sujet et sont accompagnées d'une description, d'un lien vers le texte et aussi de liens vers des informations complémentaires, issues de différents sites internet
- la mise à jour d'un référentiel.
La veille technique et innovation
La veille technique et innovation est réalisée à partir de plusieurs outils :
- des alertes Vigiworld : le service documentation bénéficie depuis 2012 d'alertes Vigiworld, par l'intermédiaire de la Mission Innovation & Développement du département de l'Ingénierie
- Netvibes utilisé comme lecteur de flux RSS
- des alertes Google
- des alertes obtenues via Update Scanner, une extension Firefox qui signale les modifications apparaissant sur des pages web.
Deux types de livrables sont proposés
- une lettre mensuelle "Ingénierie des transports urbains : Ca bouge autour de nous !"
- des alertes via le réseau de veille et d'échanges d'idées "La ruche" (plateforme de réseau social d'entreprise SeeMy). L'outil a été lancé en 2012 par la Mission Innovation & Développement du département de l'Ingénierie, avec pour objectif de dynamiser l'innovation dans le département. Les documentalistes et veilleurs ont été invités à participer à ce réseau. Des groupes de veille ont été créés sur différents sujets. Le principe est que tout le monde est acteur de sa veille et peut faire des alertes. L'outil facilite les échanges, et permet aux acteurs des services documentation d'améliorer leur visibilité, et de prendre en compte de nouveaux sujets de veille, selon les attentes des participants. Néanmoins, l'usage de cet outil au sein des différentes unités est variable. Son appropriation n'est pas toujours au rendez-vous, car la publication comme la veille s'avèrent vite chronophages. De plus, il reste difficile d'avoir un retour sur la pertinence des informations diffusées.
Les quatre maillons de la veille juridique
Jean-Christophe Hardel, Département Juridique, RATP
Le département Juridique de la RATP rassemble environ 150 personnes, dont une centaine de juristes. Le service documentation du département est composé de deux personnes, et est en charge de la veille pour l’ensemble des juristes de la RATP, qu’ils soient ou non rattachés à ce département.
En 2012, ce service documentation était « en veille ». Il n’avait accès à aucune base juridique (Lexis, Dalloz…), ne disposait pas de logiciel documentaire, ne réalisait pas de veille … et avait de moins en moins d’utilisateurs.
Alors qu’il n’y avait aucune demande et qu’il ne disposait d’aucun budget, Jean-Christophe Hardel a lancé un système de veille avec comme objectif d’en faire un moyen de communication. Il a donc envoyé une veille quotidienne à chacune des unités du département, sur les sujets qui les concernaient. Cette veille a bénéficié d’un effet « boule de neige » et est aujourd’hui très appréciée.
Elle concerne plus de dix thématiques, qui peuvent être très larges (droit social, droit de la construction, droit des marchés publics…) et être adressées à plusieurs dizaines de destinataires, ou être spécifiques et s’adresser à quelques juristes seulement (informatique et libertés, évolution des projets de loi…).
Le processus de veille
De 2012 à 2013, la veille était réalisée via le lecteur de flux Google Reader. L’agrégateur était apprécié pour sa simplicité d’utilisation, mais aussi et surtout pour l’usage des tags et la possibilité de publier une page publique. Le livrable était en fait réalisé à partir du contenu de cette page, qui était copié et collé dans un document Outlook.
Puis, Feedly a succédé à Google Reader. L’interface est tout aussi conviviale, mais l’outil ne propose pas de flux RSS sortants pour ses tags, et ne permet pas de créer une page publique. La conception du livrable était plus laborieuse, et un autre processus de veille a été imaginé.
Ce processus intègre désormais différents outils, parmi lesquels :
- Yahoo Pipes, qui permet notamment de créer des flux RSS pour des pages qui n'en ont pas, mais aussi de mixer et de filtrer des flux, de fusionner des filtres, de créer des requêtes, etc. L'outil, très puissant mais très complexe, est utilisé pour la création d'un certain nombre de flux, qui sont ensuite intégrés à Feedly
- Feedly, qui reste le socle du processus de veille. C'est depuis Feedly que les flux sont lus et que les articles sélectionnés sont tagués. Chaque tag correspond à la thématique d'un livrable (droit social, droit pénal, marchés publics, etc.)
- l'outil d'automatisation IFTTT est utilisé pour alimenter automatiquement un fichier texte, stocké dans Google Drive, chaque fichier servant de base à la réalisation d'un livrable. Des "recettes" ont donc été créées dans IFTTT pour relier Feedly à Google Drive, de façon à ce que chaque article tagué avec un mot-clé spécifique soit enregistré dans un document texte Google Drive concernant le sujet du tag. Il a donc fallu créer autant de "recettes" que de tags sur IFTTT. On trouvera dans le billet "Pocket et IFTTT comme agrégateur de flux" un autre exemple d'usage de cet outil qui s'avère souvent précieux
- Google Drive, le service de stockage de Google, est utilisé pour la préparation du livrable. Il rassemble des fichiers alimentés automatiquement (via Feedly et IFTTT) avec les articles sélectionnés. Le contenu de chaque fichier fait ensuite l'objet d'une petite mise en page, et est envoyé via Outlook aux destinataires de la veille, après ajout éventuel d'informations identifiées dans les bases de données.
Au final, le processus de veille s’effectue de façon plus rapide, ce qui a permis d’augmenter le nombre de veilles. Le système possède encore des points faibles, parmi lesquels les risques de disparition des outils gratuits utilisés, l’automatisation encore limitée – puisque le déclenchement est fait par le documentaliste –, la réalisation fastidieuse du livrable, etc. En revanche, le système a rendu possible l’augmentation des sources surveillées, et a permis un gain de temps dans la réalisation de la veille.
Des veilles transversales à l’entreprise
Lucie Merckens, Bénédicte Emma et Paul Barraqué-Curié, Département VAL, RATP
Le département VAL (Valorisation immobilière, des achats et de la logistique) de la RATP a pour objectifs de mettre à disposition des publics le patrimoine intellectuel de la RATP et les ressources d’information externes. Le service doc VAL – composé de trois personnes – appartient donc à un département transverse, traite de thématiques très larges, et a pour vocation de répondre à toute demande, interne comme externe, ce qui le distingue des deux autres centres de documentation.
L’offre de veille
La première demande de veille date de 2009. Il s’agissait à l’époque de collecter toutes les informations sur les mouvements, déménagements et constructions d’entreprises à Paris et en région parisienne. Pour répondre à cette demande, l’outil SindUp a été utilisé en version gratuite d’abord, puis en version payante. Cette veille a été le produit d’appel du centre de documentation et lui a permis de développer son offre de services.
La veille représente l’activité principale du centre de documentation (50% du temps environ). L’offre est variée et comprend différents services :
- des veilles régulières, à la demande de commanditaires, sont mises en place avec une fréquence variable selon les thématiques (de quotidienne à mensuelle), sur des sujets comme Actualité de l'immobilier d'entreprise, Immobilier durable, Territorial DIT, Concurrence, etc.
- des veilles peuvent être proposées à des corpus bien identifiés, à l'initiative du service documentation ("Gardons l'OEil" pour les professionnels de l'infodoc...)
- un suivi régulier est effectué pour alimenter la participation du service à des réseaux (Réseau Recherche et Innovation) et pour répondre à des besoins d'informations (fournisseurs RATP).
Méthodologie de mise en place d’une veille régulière
Le service documentation VAL réalise aujourd’hui onze veilles régulières, le nombre de destinataires de chacune variant entre 2 et 68.
Chaque veille est réalisée avec l’outil SindUp et est envoyée avec un même format et une même signature depuis Outlook. La particularité de ces veilles est que leurs thématiques sont souvent imbriquées les unes dans les autres.
La mise en place d’une veille suit toujours la même procédure :
- collaboration avec le commanditaire : la collaboration commence par une rencontre avec le ou les commanditaires, pour définir leurs besoins, et établir les raisons de leur demande de veille (à quoi va-t-elle leur servir ? de quelle manière vont-ils l'utiliser dans le cadre de leur activité ? l'objectif est-il de se tenir informé ou de mettre en place des actions ? etc.). Cette collaboration se poursuit ensuite par la présentation des premiers résultats pour validation, jusqu'à la stabilisation de la veille (pour valider la pertinence des informations sélectionnées). Il y a enfin un retour vers le commanditaire au moins une fois par an, pour voir si les besoins perdurent ou non, s'ils ont évolué, etc.
- mise en place de la veille dans SindUp : SindUp est une plateforme de veille en SaaS, qui permet de surveiller des flux RSS, des forums, des réseaux sociaux, ainsi qu'un corpus de sources ajoutées par l'utilisateur et crawlées par l'outil. Les sources surveillées sont classées dans des dossiers thématiques (avec sous-dossiers par type ou sous-thème), qui facilitent la sélection lors des veilles transversales. Un "dossier de veille" est créé pour chacune des veilles mises en place, avec des sous-dossiers correspondant aux rubriques. Ces dossiers sont alimentés à la main ou avec un filtre automatique. Les filtres peuvent contenir des requêtes booléennes avec des options avancées (recherche sur certains champs du document, sur certains types de sources, etc.).
- envoi du livrable : la sélection des articles se fait depuis SindUp ; les articles sont envoyés sur la boîte métier (du service doc) au format SindUp. Le service doc ajoute alors certaines sources manuellement, retouche le livrable selon la charte graphique RATP et l'envoie par mail à la liste de diffusion.
Retour d’expérience sur les veilles régulières
Les veilles régulières menées par le service documentation couvrent des thématiques très variées, qui nécessitent une maîtrise « minimum » du sujet. Elles sont réalisées par deux personnes dans l’équipe, chaque personne devant être capable de toutes les effectuer (pour éviter les risques de spécialisation). L’imbrication des sujets de veille nécessite d’autre part une vigilance extrême, car certaines veilles s’alimentent les unes les autres. La réalisation de ces veilles demeure donc chronophage.
L’usage de SindUp pourrait être amélioré. Les sources en effet ne peuvent être intégrées qu’une seule fois, ce qui complexifie la sélection sur des sujets proches. L’indexation des sites protégés avec mot de passe et de ceux ayant passé un accord avec le CFC (Les Echos…) pose problème. La sélection des articles pertinents se fait manuellement (choix d’un peu de bruit pour éviter tout silence). Enfin, la transformation en livrable de la maquette SindUp (retouchée sur Outlook) est très chronophage.
Des pistes d’amélioration sont néanmoins à l’étude. Une newsletter pourrait ainsi être réalisée directement par SindUp, avec la mise en place d’une charte graphique dédiée, le choix de différents formats, etc. Cela permettrait notamment d’obtenir différentes statistiques sur chaque newsletter (nombre de clics par article, etc.).
Les autres veilles
Parallèlement aux veilles régulières, deux autres veilles sont réalisées par le service documentation :
- la veille Prospective Recherche Innovation (PRI) a pour objectif d'informer les délégués des innovations et des actualités dans le domaine des transports, de la mobilité, des nouvelles technologies. La veille est réalisée via SindUp et Vigiworld, ce qui permet de recouper des informations provenant de sources différentes. Mais le temps passé sur la sélection des documents est important. Des filtres devraient donc être mis en place sur SindUp...
- Gardons l'oeil est dédiée aux professionnels de l'information de la RATP (35 personnes : documentalistes, veilleurs, iconographes, archivistes) et a pour objectif de leur permettre de rester informé sur leur métier, et de leur donner de la visibilité. La veille couvre des sujets comme les nouveaux outils, le droit, les conseils pratiques, l'actualité des services documentation/veille à la RATP, etc. Chacun des métiers doit être représenté dans chaque numéro de la newsletter. Une première sélection des informations est envoyée au comité éditorial, qui choisit les articles. La newsletter est éditée via un outil développé spécifiquement.
Au final, ces témoignages mettent en avant que pour les trois centres de documentation de la RATP, le temps dédié à la veille – et à la réalisation des livrables – occupe depuis quelques années une place de plus en plus importante. Chaque centre a mis en place son propre processus de veille, et les outils utilisés varient d’un centre à l’autre. Il y a en revanche concertation sur les sujets de la veille, pour éviter que deux veilles similaires soient mises en place parallèlement. Les centres de documentation étudient d’ailleurs comment approfondir la concertation entre les services.
Comptes-rendus des précédentes manifestations du Secteur Veille de l’ADBS :
- Professionnaliser ses pratiques de veille : retours d’expérience de Deloitte et Taj
- Visite et retour d’expérience dans un contexte industriel – SNCF
- Recherches sur Internet : Y a-t-il une vie sans Google ?
- Les nouveaux métiers de la veille : le cas des veilleurs en e-réputation (en collaboration avec Solaci)
- Comment améliorer la diffusion de sa veille (en collaboration avec le secteur Santé)
- Quels outils de veille pour quelles pratiques ? Retours d’expérience sur cinq outils (en collaboration avec les secteurs Education et Coopération-Développement)
- La mise en scène de l’information au service de la veille et du KM
- Méthodologies de recherche efficaces sur Internet
- Enjeux et opportunités des réseaux sociaux d’entreprise (en collaboration avec le secteur Economie)
- Google : trucs et astuces pour les pros de l’infodoc (en collaboration avec le secteur Education)
- Mettre en place une veille avec les outils du Web 2.0
- Boostez vos recherches sur Internet (en collaboration avec l’ADBS Rhone-Alpes)